Dossiers Cyna > File 05-06 : Les musiques

Disons-le tout net : ce coffret représente le point culminant musical de Saint Seiya. Composées en 1988, ses musiques constituent l'aboutissement d'une évolution stylistique qui confirme le génie de leur auteur. Yokoyama n'a plus peur de mettre les petits plats dans les grands en assistant Kawashima avec des chorales grandioses dans le film d'Asgard, d'aller au plus profond de l'expression de son émotion avec Abel, et pour la série d'Asgard, d'explorer le rapport de l'homme à son coeur par des morceaux pointus dont la complexité n'a d'égale que l'immense tristesse qu'ils inspirent.

Film Asgard

Dirigeant toujours l'Andromeda Harmonic Orchestra, c'est avec de plus grands moyens que Yokoyama s'attèle à l'enregistrement des musiques de ce long-métrage le 24 février 1988 au Sound Inn Studio. Il fait appel aux choeurs masculins de la Columbia et, mêlant une sensibilité slave du chant à la voix ensorcelante de Kazuko Kawashima, obtient une partition grandiose et très symphonique, qui détone avec les musiques enlevées et parfois synthétiques de la série télévisée.

Le violoncelle acquiert une importance déterminante dans cette partition, symbolisant la sensation d'âpreté d'Asgard, cette souffrance mêlée de tristesse et de mélancolie dont on retrouvera l'esprit dans les compositions pour la série éponyme. Les BGM d'action sont toujours aussi rythmées et prouvent que le maître n'a pas perdu la main dans ce domaine. Avec ce film, Yokoyama franchit encore une étape et se rapproche de plus en plus du sommet de l'art mélodique, en effleurant la sphère du sublime.
Film Abel

Le sommet symphonique de Yokoyama. La présence en ce 1er juillet 1988 aux studios Hitokuchi-zaka du grand chef d'orchestre Hiroshi Kumagai le prouve. On se souvient notamment de son travail sur Arcadia de ma jeunesse ou encore la série et les films de Galaxy Express 999. A l'image du film, tout devait être plus grand et plus beau, et la musique de Yokoyama constitue, une nouvelle fois, le pendant nécessaire et abouti de ce lyrisme visuel.

Saori s'ébat gaiement avec son frère dans une rivière... Pas une parole, juste quelques rires innocents et une douce mélodie jouée à la flûte qui nous berçe au rythme de l'eau. Abel se perd dans sa tasse de café... Ses intentions claires de détruire la planète nous paraissent presque insignifiantes tant la musique est apaisante. Lorsque nos chevaliers apprennent que Saori les abandonne, nous pénétrons dans une ambiance très différente, mêlée de profonde tristesse et de mélancolie... Une impression de vide abyssal. Comme si toutes les souffrances passées avaient été vaines. Saori assassinée par Abel (La mort d'Athéna, piste 20), Kazuko Kawashima entre en scène. Sur fond de mélopée déchirante, Seiya, fou de douleur, s'écroule sur le quai du port. Il porte son regard vers le ciel, saturé de désespoir. Shun pleure à chaudes larmes, Hyôga scrute rageusement l'aurore boréale en Sibérie, Shiryû est affolé.

Un ballet mélo-dramatique du plus bel effet, de l'esthétisme réellement hypnotique. C'est si beau et si triste... Et nous regardons plein de fascination. Tout comme lorsque, portés une nouvelle voix par la voix de Kawashima, nous vibrons d'émotion à la vue de la destruction imminente de la terre bien-aimée de nos héros (Le déluge de Deucalion, piste 27, un morceau fortement inspiré de la piste 14 du second CD, Le sacrifice, composé jadis pour le Sanctuaire). Et c'est aussi plein d'espoir que l'on se laisse emporter par le son des violons, dans une scène où l'onirisme n'a d'égal que la puissance qui s'en dégage (La résurrection d'Athéna, piste 32, qui inspirera quant à lui le morceau éponyme joué par le Mandolin Club de Tôkyô pour la saga Poseidon).

On regrettera l'absence sur cette édition CD de deux compositions figurant dans le film. La première est une variation fort jolie du thème principal, entendue lors des premiers mots prononcés par Saga à l'encontre d'un Seiya désabusé. Celle-ci est cependant officiellement perdue. La seconde, de provenance inconnue, est connue parmi les fans sous l'appelation de Marche militaire. On l'entend lors de l'échauffourée entre Atlas et les Chevaliers de Bronze sur les marches du Temple de Corona, mais également durant l'épisode 12 de l'OAV Hades Jûnikyû-hen.
Série Asgard

Musicalement, nous retrouvons la moelle des compositions réalisées pour le film éponyme, plusieurs d'entre-elles seront d'ailleurs réutilisées au cours de ces 26 épisodes mythiques. Le compositeur ajoute de nouveaux instruments à son panel comme l'accordéon ou encore le pianica (contraction de "piano" et "harmonica", une sorte de flûte avec un clavier). Alors que les musiques du long-métrage mettaient davantage l'accent sur le côté épique, sur l'infiniment grandiose, les musiques de la série, elles, suggèrent plutôt le précieux, l'infiniment secret... Plus intimiste, la partition colle parfaitement à cet univers où chaque individu doit faire face à son inéluctable destinée.

Si l'on retrouve dans ce CD des morceaux plus sombres et inquiétants que la moyenne, ils ne font que rappeler la dureté du pays. Ils ne sont pas associés aux Guerriers Divins eux-mêmes, mais bien au terrible univers dans lequel ils tentent de survivre. Nous avons tous droit à une chance, au bonheur, à l'épanouissement de soi. Voici le message que délivre Asgard, avec beaucoup de justesse mais surtout, inévitablement, de tristesse. Yokoyama a su capter cette souffrance pour en tirer des notes à la fois sombres, mélancoliques et porteuses d'espoir.


Ces articles ont été écrits à quatre mains et publiés dans des versions réduites dans les livrets des Eternal Edition de Loga-Rythme (coffret n°3).


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